Les visages du leadership : Faites connaissance avec Kaouther Kotersi
Kaouther faisait partie de 40 jeunes leaders locaux formés aux approches sensibles au genre par le système des Nations Unies en Tunisie.
« Je me suis rendu compte très tôt que face à la discrimination que lui inflige la société, qui veut l’empêcher de progresser, une femme doit avoir beaucoup de détermination pour aller de l’avant », explique Kaouther Kotersi.
Or, Kaouther Kotersi en sait long en matière de détermination et de résilience. Elle n’avait que 13 ans quand elle a été victime d’un accident qui lui a fait perdre sa capacité de marcher. Cela a été pour elle le début d’un long et difficile parcours pour réaliser ses ambitions. Pendant son adolescence à Ajim, une communauté rurale de Djerba, une île au sud de la Tunisie, son entourage n’a cessé d’essayer de la rabaisser et de la décourager. Beaucoup lui disaient que sa vie ne vaudrait rien et la privaient de chances de s’épanouir.
En dépit de toute cette adversité, âgée aujourd’hui de 30 ans, Kaouther Kotersi est maintenant membre du conseil municipal de Djerba Ajim et enseigne au centre à Djerba Ajim pour handicapés mentaux.
« Lorsque je me suis portée candidate au conseil municipal, l’une des plus grandes difficultés tenait au manque de confiance dans mes capacités que l’on me manifestait. Il m’a fallu surmonter de multiples obstacles », a-t-elle déclaré. L’ambition de Kaouther Kotersi était de devenir présidente du Comité des droits des personnes en situation de handicap. « Beaucoup de gens étaient intimement convaincus que mon handicap me rendrait inapte à m’acquitter de mes fonctions. »
Mais Kaouther Kotersi a aussi dû reconnaître que certaines personnes voulaient la voir réussir et étaient prêtes à l’aider à atteindre ses objectifs.
Autonomiser les membres les plus vulnérables de la société
« Du fait que je ne peux pas marcher, il m’était souvent difficile d’assister aux réunions municipales. Parfois je devais attendre sur le trottoir, dans l’espoir qu’un étranger m’y emmène en voiture. Depuis son élection, le nouveau maire, qui apprécie mes contributions, a fait en sorte que désormais on vienne me chercher. Grâce à cela, j’ai pu assister à toutes les réunions et à tous les ateliers organisés, ce qui m’a aidé à m’acquitter de mes fonctions et à renforcer mes capacités de leadership », a-t-elle ajouté.
Kaouther Kotersi dit qu’elle fait toujours l’objet de discrimination, à la fois en tant que femme et en tant que personne en situation de handicap, mais elle refuse de garder le silence. « J’ai maintenant suffisamment confiance en moi pour faire valoir mes droits, ceux de mes collègues de sexe féminin et d’autres personnes vulnérables, des femmes rurales et des personnes handicapées. »
L’une des premières mesures prises par Kaouther Kotersi à son entrée au Conseil municipal a été de passer en revue la base de données et les politiques publiques de la ville pour éliminer tous les obstacles institutionnels discriminatoires à l’égard des personnes handicapées dans diverses communautés.
« J’ai commencé par recenser les secteurs où nous pourrions élaborer des programmes ayant pour vocation d’autonomiser d’autres personnes en situation de handicap à Djerba Ajim. En collaboration avec plusieurs adjoints et le ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle, nous avons réussi à atteindre les plus vulnérables et à mieux faire connaître leurs besoins. Cette démarche a abouti à des accords pour offrir du travail à celles et ceux qui avaient été contraints d’abandonner leur scolarité à un âge précoce en raison de leur handicap et assurer ainsi leur réinsertion socio-économique dans la société. »
Parallèlement à cela, Kaouther Kotersi a apporté son soutien à des efforts de collecte de fonds pour le centre pour handicapés mentaux à Djerba Ajim.
Ces efforts ont permis d’offrir des formations en création d’entreprise et en artisanat à des jeunes femmes du centre qui, une fois diplômées, vendent maintenant les produits qu’elles fabriquent à domicile pour gagner un revenu durable.
Dans le cadre de la lutte contre la pandémie de COVID-19 à Djerba Ajim, le conseil municipal a également distribué une aide monétaire aux femmes entrepreneuses pour pallier leur manque à gagner pendant le confinement.
Investir dans le leadership des femmes
Kaouther Kotersi faisait partie de 40 jeunes leaders locaux qui ont reçu des formations aux approches sensibles au genre dans les domaines du développement local, de la planification, de la budgétisation et du cadre juridique, au moyen d’un programme conjoint sur le maintien de la paix en Tunisie, soutenu par le Fonds pour la consolidation de la paix et ONU Femmes, en partenariat avec le PNUD et l’UNESCO.
« Ce projet s’est adressé à des jeunes de divers milieux et se trouvant dans différentes situations en Tunisie qui surmontent de multiples obstacles dans leur communauté, tout en renforçant leurs compétences en leadership », explique Begona Lasagabaster, représentante d’ONU Femmes en Tunisie. « Les jeunes femmes et les jeunes hommes sont le présent et l’avenir de ces communautés : ils sont des acteurs essentiels dans la réalisation du développement durable, de l’égalité et de l’amélioration de la qualité de vie pour tous. »
Les faits
- Une bonne gestion publique et la démocratie exigent un leadership et une représentation à caractère à la fois inclusif et diversifié. À l’échelle mondiale, les minorités ethniques, les femmes migrantes, les femmes habitant en milieu rural, les femmes en situation de handicap et les femmes autochtones continuent d’être victimes de discrimination et d’exclusion de la vie publique.
- Quoiqu’actives et se prononçant sur tout un éventail de questions, comme l’action climatique, la pauvreté, le racisme et la violence à l’égard des femmes, les jeunes femmes continuent d’être victimes d’une double discrimination en raison de leur sexe et de leur âge. Les jeunes femmes sont particulièrement sous-représentées en politique : en 2018, à l’échelle mondiale, les femmes de moins de 30 ans représentaient à peine un peu plus de 1 pour cent des parlementaires.
- Pour résoudre les problèmes urgents de notre époque, il est indispensable de transformer l’équilibre des pouvoirs. En présentant tôt aux jeunes femmes et aux filles des femmes leaders auxquelles elles peuvent s’identifier et en leur donnant accès à des espaces politiques et décisionnels, c’est leur donner une chance inestimable d’élargir leurs réseaux et d’avoir voix au chapitre dans la prise de décisions d’aujourd’hui et de demain.