Communiqué de presse

Lancement du Rapport annuel 2020 de l'Instance Nationale de Lutte Contre la Traite des Personnes (INLCTP) : l’essentiel de l’allocution de Mr Arnaud Peral, Coordinateur Résident du Système des Nations Unies.

27 octobre 2021

La traite des êtres humains est un crime grave et une violation caractérisée des droits de l’homme qui menace la sécurité nationale et fait obstacle au développement durable et à l’état de droit. Chaque année, des milliers d'hommes, de femmes et d'enfants tombent aux mains de trafiquants dans leur pays ou à l’étranger.

 

Tous les États sont affectés par la traite des êtres humains, soit en tant que pays d’origine, soit de transit ou de destination des victimes. Les trafiquants sont très souvent organisés en réseaux transnationaux et les victimes sont fréquemment déplacées et exploités dans plusieurs pays.

Ainsi, comme indiqué dans le préambule du Protocole additionnel à la convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (Protocole de Palerme), « Une action efficace visant à prévenir et combattre la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, exige de la part des pays d’origine, de transit et de destination une approche globale et internationale comprenant des mesures destinées à prévenir une telle traite, à punir les trafiquants et à protéger les victimes de cette traite, notamment en faisant respecter leurs droits fondamentaux internationalement reconnus ».

L’adoption en 2000 par l’Assemblée générale des Nations Unies du Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants a marqué une étape importante de l’action internationale visant à mettre fin à la traite. Il constitue le premier instrument juridique international comprenant une définition consensuelle de la traite des êtres humains. L'objectif de cette définition est de faciliter les convergences des approches nationales pour établir des infractions pénales qui permettraient une coopération internationale efficace dans la poursuite des affaires de traite de personnes. Le Protocole a également pour but de protéger et assister les victimes de la traite des personnes dans le respect de leurs droits fondamentaux. La grande majorité des États ont maintenant signé et ratifié ce protocole.

En 2010, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté le Plan d’action mondial pour la lutte contre la traite des personnes, exhortant les gouvernements à prendre des mesures concertées et concrètes pour contrer ce fléau. Le Plan appelle à intégrer la lutte contre la traite des personnes aux programmes élargis de l’ONU afin d’accélérer le développement et renforcer la sécurité mondiale.

En 2013, l’Assemblée générale a tenu une réunion de haut niveau pour évaluer le Plan d’action mondial. Les États Membres ont également adopté la résolution 68/192 et proclamé le 30 juillet Journée mondiale de la lutte contre la traite d’êtres humains. La résolution déclare qu’une telle Journée est indispensable pour « faire connaître la situation des victimes de la traite humaine et promouvoir et protéger leurs droits ».

En septembre 2015, les pays du monde entier ont adopté le Programme de développement durable à l'horizon 2030 qui vise notamment à supprimer le travail forcé et à mettre fin à l'esclavage moderne et à la traite d'êtres humains. Les Objectifs de développement durable ont également pour cible l'interdiction et l'élimination du travail des enfants sous toutes ses formes.

Le système des Nations Unies aide concrètement les États à élaborer des lois et à mettre au point des stratégies nationales complètes de lutte contre la traite et leur fournit diverses ressources pour les mettre en œuvre.

Les États reçoivent une assistance spécialisée, y compris aux fins de la mise en valeur des capacités et compétences locales, et des outils pratiques propres à encourager la coopération transfrontière aux fins des enquêtes et des poursuites.

La Tunisie a ratifié en 2003 de la Convention des Nations Unies Contre la Criminalité Transnationale Organisée et son Protocole Additionnel visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants.

Au niveau de la législation national nous rappelons la primauté de la loi organique n° 2016-61 du 3 août 2016 relative à la prévention et à la lutte contre la traite des personnes qui a instauré un cadre juridique pour prévenir toutes formes d’exploitation auxquelles pourraient être exposées les personnes, notamment, les femmes et les enfants; pour lutter contre leur traite, en réprimant les auteurs et protégeant et assistant les victimes; et qui a créé l’Instance nationale de lutte contre la traite des personnes, officiellement mise en place par la nomination de sa présidente et ses membres le 9 février 2019.

La première stratégie nationale de lutte contre la traite des personnes en Tunisie, qui couvre la période 2018-2023, s’inscrit pleinement dans la continuité de la signature par la Tunisie de la Convention de Lanzarote le 2 janvier 2018 et trace le chemin vers la formalisation d’un Mécanisme national d’orientation des victimes de traite en Tunisie qui a été développé par l’Instance avec l’appui de plusieurs de ses partenaires dont notamment le Conseil de l’Europe.

Le système des Nations Unies en Tunisie a appuyé à travers ses agences ce processus de développement du dispositif juridique et institutionnel tunisien de prévention et de lutte contre le crime de traite, la protection des victimes et le renforcement des partenariats afin de favoriser la coopération nationale et internationale.

Dans ce cadre, l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) a appuyé l’Instance dans diverses activités pour prévenir le crime de traite et protéger et aider ses victimes et survivants. Il s’agit notamment du développement et de la publication de la mallette sur les crimes de traite des enfants et du Module de formation sur la traite des personnes. Il s’agit aussi de l’assistance dans le cadre de la réponse à la crise COVID-19 à des victimes identifiées par l’Instance touchées à travers la distributions de produits alimentaires, d’hygiène, de vêtements ainsi que de bons d’achat ; l’OIM continue également à référer les victimes vers l’Instance, et à leur fournir, en étroite coordination avec l’Instance et ses partenaires de la société civile, une assistance en matière d’hébergement, de conseil/orientation, assistance sociale, médicale et juridique, ainsi que l’accompagnement des victimes tunisiennes de retour de l’étranger à travers la mise en place de projets de réintégration et aussi au retour volontaire et à la réintégration dans leur pays d’origine des victimes non tunisiennes.

De leur part, le PNUD et le HCDH continuent l’implémentation du projet conjoint d’appui à l’INLCTP (2019-2022) qui vise à renforcer les capacités de l’Instance pour la mise en œuvre de son mandat et pour produire et partager les connaissances en matière de lutte contre la traite, ainsi que l’appui aux populations vulnérables pour qu’elles soient informés de leurs droits et qu’elles sollicitent l’intervention de l’Instance et qu’elles accèdent à ses services. Dans ce cadre, le projet comporte un appui logistique notamment à travers l’aménagement du siège de l’INLCTP pour prendre en considération des besoins spécifiques de certaines victimes et l’aménagement d’une salle de visioconférences et de formation présentielle/virtuelle ; un appui à l’Instance dans l’élaboration d’un plan de contingence qui permet de formaliser un « processus de gestion de crise » à partir du retour d’expérience de la gestion de la pandémie COVID-19 et l’anticipation d’évènements similaires ; un appui pour le développement de la communication de l’Instance notamment par la conception de son site web et de différents supports de sensibilisation ; ainsi qu’un appui dans l’assistance aux victimes notamment en supportant des projets associatifs visant leur réinsertion socioéconomique.

Les différentes agences du SNU et les autres partenaires nationaux et internationaux de l’INLCTP, s’unissent à côté de l’Instance à l’occasion de la Journée mondiale de la lutte contre la traite d'êtres humains (30 juillet) et la campagne mondiale Cœur bleu pour insister sur l’importance de l’unité des efforts internationaux face à ce crime abominable.

Nous continuerons à apporter notre soutien à l'Instance et à tous les intervenants étatiques et de la société civile et à l’adapter aux défis continues relatifs à la lutte contre ce fléau et à la protection et prise en charge des victimes et survivants.

La pandémie du COVID-19 a eu un impact dévastateur sur les victimes et les survivants de la traite des personnes, notamment les enfants et les personnes les plus vulnérables. Les trafiquants ont profité de cette crise mondiale en exploitant la perte de revenus des ménages et en adaptant leurs activités criminelles à la situation engendrée par les mesures de confinement et de limitation de circulation notamment à travers la cybercriminalité. Les enfants ont été de plus en plus ciblés par les trafiquants qui utilisent les médias sociaux et autres plateformes en ligne pour recruter de nouvelles victimes et pour satisfaire une demande accrue de matériel d'exploitation sexuelle infantile.

Les difficultés économiques et sociales engendrées par la pandémie ont aggravé la précarité de plusieurs personnes et entrainé d’importantes pertes d'emplois dans de nombreux secteurs, ce qui a donné aux réseaux criminels l'occasion d’exploiter les personnes en difficulté, souvent en les attirant avec de fausses promesses d'emploi.

De plus, les mesures prises pour freiner la propagation du virus ont exposé davantage les victimes à l’exploitation et limité l'accès aux services essentiels pour les survivants de ce crime. En raison des confinements et limitations des services de lutte contre la traite des êtres humains, les victimes ont eu encore moins de chances d'échapper à leurs trafiquants.

La fermeture des frontières a contraint de nombreuses victimes de traite à rester sous l’emprise des trafiquants, celles qui ont été secourues ont été obligées de rester pendant des mois dans des abris dans les pays où elles avaient été exploitées au lieu de rentrer chez elles.

La principale leçon apprise de la pandémie est l’importance d’élaborer des stratégies pour poursuivre les activités de lutte contre la traite des personnes au niveau national et international, même en période de crise et en adaptant ses actions et moyens de mise en œuvre à la situation particulière de chaque période et de chaque pays/région.

Le Système des Nations Unies en Tunisie à travers toutes ses agences compétentes, continuera son appui à la Tunisie pour faire face aux répercussions de la pandémie et surtout pour venir en aide aux personnes les plus vulnérables et les plus touchées par cette crise.

Arnaud Peral

Arnaud Peral

RCO
Coordonateur résident
Nommé Coordonnateur résident en Tunisie en septembre 2020, M. Peral apporte à ses nouvelles fonctions plus de 20 années d'expérience dans le développement durable, la gouvernance démocratique, l'égalité de genre, la prévention et la gestion des crises, la réduction des conflits et la consolidation de la paix. Au sein des Nations Unies, il a récemment occupé le poste de Coordonnateur résident des Nations Unies en Équateur après avoir occupé plusieurs postes de direction au sein du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), notamment ceux de Directeur de pays en Colombie, Représentant résident adjoint au Brésil et au Mexique, Chef de cabinet au sein du Bureau régional du PNUD pour l'Amérique latine et les Caraïbes à New York et Chargé de programme du PNUD à Cuba.

Avant de rejoindre les Nations Unies, M. Peral a occupé des postes de direction au sein du gouvernement français, notamment ceux de Conseiller de coopération pour la coopération scientifique et technique du ministère des affaires étrangères à l'ambassade de France à Cuba, Assistant de recherche au ministère de l'environnement en France, et Assistant de recherche en politiques publiques du ministère de l'agriculture au Chili.

M. Peral est titulaire d'un master en économie du développement de l'Université Paris X à Nanterre, France et d'une licence en politique économique de l'Université Pierre Mendès France de Grenoble, France.

Entités des Nations Unies impliquées dans cette initiative

OIM
Organisation internationale pour les migrations
HCDH
Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme
RCO
Bureau du(de la) Coordonnateur(trice) résident(e)
PNUD
Programme des Nations Unies pour le développement
UNODC
Office des Nations Unies contre la drogue et le crime

Autres entités impliquées dans cette initiative

MOFA
Ministry of Foreign Affairs

Objectifs poursuivis à travers cette initiative