Les dirigeants mondiaux promettent de lutter contre le fléau des superbactéries
25 septembre 2024
La résistance aux antimicrobiens, ou RAM, est un tueur invisible. Les dirigeants mondiaux se retrouvent jeudi pour une réunion de haut niveau au siège de l’ONU, pour discuter des meilleures voies à suivre pour développer une réponse coordonnée à l’une des menaces les plus graves pour la santé publique. Écoutez les remarques de la Vice-Secrétaire générale de l'ONU Amina J. Mohammed sur la Résistance aux antimicrobiens (RAM).
Le Président de l'Assemblée générale des Nations Unies, Philémon Yang, a ouvert la réunion en annonçant que les Etats membres avaient adopté par consensus, et sans vote, une Déclaration politique.
Cette déclaration est axée notamment sur le financement, la gouvernance et une réponse coordonnée, dans le but de forger une action collective contre la RAM. Le texte de 106 paragraphes contient un ensemble d’engagements visant à progresser dans l’éradication de cette menace évitable et parmi les plus graves pour la santé publique.
Un problème qui affecte le développement
Philémon Yang a félicité tous les États membres d’avoir approuvé cette Déclaration politique, notant que la résistance antimicrobienne n’est pas seulement une crise sanitaire mondiale, mais aussi un problème de développement crucial.
« C’est un problème qui concerne notre capacité à traiter les maladies chez les humains, les animaux et les plantes, à améliorer la sécurité alimentaire, à renforcer la nutrition, à favoriser le développement économique et l’équité et à préserver notre environnement », a-t-il déclaré
La réussite sur tous ces fronts est essentielle pour atteindre les Objectifs de développement durable (ODD) à l’horizon 2030, a-t-il ajouté, et le monde doit agir de toute urgence pour contenir la menace.
Un problème difficile à résoudre
Le Président du Conseil économique et social des Nations Unies (ECOSOC), Bob Rae, a déclaré que la manière dont la société gère les maladies a créé un problème difficile à résoudre.
La RAM pose des problèmes d’inégalité pour les pays qui ne disposent pas de la technologie nécessaire pour faire face à cette crise, a-t-il dit, soulignant que les sociétés doivent comprendre comment gérer la crise de la RAM tout en garantissant « l’accès aux antimicrobiens et aux traitements thérapeutiques alternatifs qui sont constamment de haute qualité ».
« Nous avons également besoin de mesures de prévention et de contrôle pour faire face au risque et à la propagation des infections et de stratégies de vaccination pour réduire le besoin d’antimicrobiens en premier lieu », a ajouté M. Rae.
Une menace existentielle
La Vice-Secrétaire générale de l’ONU, Amina Mohammed, a rappelé que la résistance antimicrobienne représente un « danger complexe et existentiel » et figure parmi les 10 principales menaces pour la santé et le développement dans le monde, responsable de 1,3 million de décès par an.
« Ce ne sont pas que des chiffres », a-t-elle déclaré. « Ils représentent des vies perdues, des familles brisées et des avenirs volés ».
Elle a noté que cette « crise mondiale » coûte environ 800 milliards de dollars par an en frais de santé et en perte de productivité et « menace d’annuler des décennies de progrès médical ».
La lutte contre la RAM est un « impératif moral », a-t-elle affirmé.
Plus d'argent nécessaire
Le Directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, a rappelé que l’inventeur de la pénicilline avait mis en garde le monde contre les dangers de la résistance aux antimicrobiens dans son discours d’acceptation du prix Nobel en 1945.
La résistance aux antimicrobiens est aujourd’hui l’une des menaces les plus pressantes pour la santé et le développement, qui pourrait réduire à néant des décennies de progrès médicaux, a-t-il averti. « Ce n’est pas un risque hypothétique pour l’avenir. C’est ici et maintenant » et aucun pays n’est à l’abri de cette menace.
Et ce sont les pays à revenu faible et intermédiaire qui sont les plus touchés, avec peu de nouveaux antibiotiques efficaces en cours de développement.
La plupart des pays ont fait des progrès depuis la première grande réunion sur la question en 2016, mais « davantage de travail et d’argent » sont nécessaires de toute urgence pour garder une longueur d’avance sur la menace croissante, a dit le chef de l'OMS.
Dr Tedros a estimé que la Déclaration politique adoptée aujourd’hui était une bonne première étape dans la perspective d’un plan d’action mondial qui devrait entrer en vigueur d’ici 2026. « J’exhorte tous les États membres à prendre des mesures immédiates pour respecter les engagements qu’ils ont pris aujourd’hui et l’OMS est prête à vous soutenir », a-t-il dit.
Nécessité d'un leadership
La cheffe du Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE), Inger Andersen, a déclaré que les mesures qui viennent d'être adoptées nécessitent un leadership et que le renforcement de l'approche « Une seule santé » est essentiel.
De son côté, la Directrice générale de l'Organisation mondiale de la santé animale, Emmanuelle Soubeyran, a souligné que la RAM « n'est pas un problème mineur », notant qu'un rapport publié récemment a montré que les agents pathogènes résistants aux médicaments pourraient mettre en péril la sécurité alimentaire de plus de deux milliards de personnes dans le monde.
Thanawat Tiensin, Sous-Directeur général de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), a noté que la RAM menace la santé humaine, animale et végétale, avec de profondes conséquences, de la production alimentaire aux écosystèmes.
La croissance démographique rapide, le changement climatique et la menace croissante de la RAM exigent de repenser notre approche de la production alimentaire, a-t-il déclaré. « Nous devons réduire le besoin d'antimicrobiens et établir la norme la plus élevée pour la santé animale et végétale », a-t-il ajouté. « Bien que des progrès aient été réalisés au cours des huit dernières années, il reste encore beaucoup à faire ».
Le saviez-vous ?
- La résistance antimicrobienne (RAM) touche les pays de toutes les régions et de tous les niveaux de revenu. Ses causes et ses conséquences sont exacerbées par la pauvreté et les inégalités, et les pays à revenu faible et intermédiaire sont les plus touchés.
- La Banque mondiale estime que la RAM pourrait entraîner des coûts de santé supplémentaires de 1.000 milliards de dollars d’ici 2050 et des pertes de produit intérieur brut (PIB) de 1.000 à 3.400 milliards de dollars par an d’ici 2030.
- Le monde est confronté à une crise d’accès aux antibiotiques. La recherche et le développement sont insuffisants face à l’augmentation des niveaux de résistance et il est urgent de prendre des mesures supplémentaires pour garantir un accès équitable aux vaccins, diagnostics et médicaments nouveaux et existants.