Au Caire, le chef de l’ONU rejette tout « transfert forcé » des Palestiniens de Gaza
04 mars 2025
Lors d’un sommet extraordinaire de la Ligue des États arabes sur la situation à Gaza, qui s’est ouvert mardi dans la capitale égyptienne, le Secrétaire général de l’ONU a réaffirmé sa vision d’un État palestinien indépendant et unifié, dont l’enclave doit impérativement « rester partie intégrante ». (Veuillez défiler vers le bas pour télécharger le discours de M. António Guterres en arabe et en anglais.)
Les dirigeants arabes étaient réunis au Caire pour définir un projet d’avenir commun à Gaza, quelques semaines après l’évocation par le Président américain, Donald Trump, d’une possible prise de contrôle de l’enclave palestinienne par les États-Unis, suivie d’une expulsion de sa population.
Dans un discours prononcé lors du sommet, António Guterres a semblé rejeter l’option envisagée par l’administration américaine, avec l'appui du Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou.
« Gaza doit rester partie intégrante d’un État palestinien indépendant, démocratique et souverain, sans réduction de son territoire ni transfert forcé de sa population », a-t-il estimé.
M. Guterres a appelé Israël, en tant que puissance occupante, à veiller au respect de ses obligations du point de vue du droit international.
« Cela implique de rejeter toute forme de nettoyage ethnique », a-t-il précisé.
Des négociations dans l’impasse
Le sommet du Caire a débuté alors que les négociations entre Israël et le Hamas sur la suite à donner à l’accord de cessez-le-feu entré en vigueur à Gaza, le 19 janvier, sont au point mort.
Dans ces remarques, M. Guterres a toutefois salué l’accalmie des dernières semaines.
« Nous avons constaté une amélioration significative de la situation en ce qui concerne l’accord sur le cessez-le-feu et les otages », a-t-il dit.
La première phase de l’accord prévoyait en effet la libération par le Hamas d’un certain nombre d'otages israéliens retenus à Gaza, en échange de prisonniers palestiniens détenus par Israël.
Le Secrétaire général a exhorté les deux parties à respecter leurs engagements et à les mettre en œuvre dans leur intégralité afin d’éviter « à tout prix » une reprise des hostilités, qui ne ferait selon lui que prolonger la souffrance de millions d’habitants à Gaza et déstabiliser encore davantage la région.
« Il faut reprendre sans délai des négociations sérieuses concernant tous les aspects du cessez-le-feu », a-t-il ajouté
La première phase de l’accord, qui a pris fin le 1er mars, était censée déboucher sur le lancement d’une seconde étape, devant se solder par le retour de tous les otages pris lors de l'attaque sanglante lancée par le Hamas dans le sud d’Israël, le 7 octobre 2023, et le retrait complet des forces israéliennes de Gaza.
Or, les négociations concernant cette nouvelle étape n’ont toujours pas commencé.
Appel à la reprise des convois humanitaires
M. Guterres a demandé la libération « immédiate, sans condition et dans la dignité » de tous les otages, ainsi que celle des détenus palestiniens, conformément aux termes de l’accord. Il a également appelé le Hamas et Israël à traiter humainement les personnes sous leur contrôle.
« Et tous les obstacles à la distribution efficace de l’aide vitale doivent être levés », a-t-il ajouté.
L’appel du chef de l’ONU faisait suite à la décision de M. Nétanyahou, dimanche, de suspendre toute entrée de marchandises et d’approvisionnement dans la bande de Gaza, après six semaines marquées par un afflux de l’aide dans l’enclave, suite à la mise en œuvre de l'accord.
Lors d'un point de presse à New York, le porte-parole du Secrétaire général, Stéphane Dujarric, a rapporté mardi que les trois principaux points de passage de convois humanitaires vers Gaza - Kerem Shalom, Erez et Zikim - demeuraient fermés pour le troisième jour consécutif, privant ainsi des millions de Palestiniens d'une assistance vitale.
Il a indiqué que ces fermetures avaient entraîné une flambée de plus 100 % des prix de la farine et des légumes.
« Les autorités israéliennes ont rejeté nos efforts visant à venir collecter des fournitures humanitaires qui avaient traversé le point de passage de Kerem Shalom avant sa fermeture », a précisé M. Dujarric.
Malgré ces développements récents, l'ONU et ses partenaires humanitaires redoublement d'efforts pour maintenir les opérations d’aide dans toute la bande.
Selon M. Dujarric, lundi, dans la ville de Gaza, l’unité de dialyse de l’hôpital pour enfants Al Rantisi a repris ses services, de même que l’unité d’hospitalisation, qui est dotée de 25 lits. À l’hôpital indonésien du nord de l'enclave, les services pédiatriques ont également repris. L’agence a toutefois indiqué que le manque d’eau et d’assainissement menaçait la santé des habitants de Gaza.
Au Caire, M. Guterres a appelé Israël à laisser circuler l'aide sans entrave.
« L’aide humanitaire n’est pas négociable », a-t-il martelé.
Relance du processus politique
Le Secrétaire général a par ailleurs souligné le besoin d’un cadre politique clair qui pose les bases d’un relèvement et d’une reconstruction durable de Gaza.
Selon lui, les préoccupations « légitimes » d’Israël en matière de sécurité doivent être prises en compte, sans passer par une présence militaire israélienne sur le long terme dans l’enclave.
De manière générale, il a estimé que Gaza et la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, devaient être « unifiées politiquement, économiquement et administrativement », sous l'égide de l’Autorité palestinienne.
D’ici là, M. Guterres a salué les initiatives des États arabes visant à mobiliser le soutien de la communauté internationale pour reconstruire Gaza, à l’instar du sommet dans la capitale égyptienne.
Il a également souligné le rôle essentiel de l’agence onusienne pour les réfugiés palestiniens, l’UNRWA, qui continue de fournir des résultats « dans les circonstances les plus difficiles ».
Depuis la fin du mois de janvier, l’agence, qui est sous le coup d’une interdiction en Israël, a fermé ses locaux à Jérusalem-Est et évacué son personnel international à Amman, la capitale jordanienne, qui fait désormais office de siège de l’UNRWA.
Le chef de l’ONU a appelé à un « soutien urgent et total » du travail de l’agence, qui souffre d’un sous-financement chronique, en dépit de l’aide qu’elle apporte à des millions de Palestiniens à Gaza et en Cisjordanie.
Situation alarmante en Cisjordanie
M. Guterres s’est dit préoccupé par la détérioration de la situation dans cette dernière.
« Les forces de sécurité israéliennes ont lancé des opérations de grande envergure, notamment des frappes aériennes et le déploiement de chars pour la première fois depuis plus de deux décennies », a-t-il déploré.
Au cours du mois écoulé, plus de 40.000 Palestiniens ont été déplacés de force au cours, soit le nombre de déplacements le plus important en Cisjordanie depuis plusieurs décennies.
Parallèlement, les expulsions de Palestiniens, les démolitions de leurs logements et l’expansion des colonies illégales de peuplement dans le territoire occupé se sont intensifiées.
« Tout cela affaiblit encore davantage l’Autorité palestinienne à un moment où son rôle est plus crucial que jamais », a estimé le Secrétaire général, qui a appelé à une désescalade urgente en Cisjordanie.
M. Guterres a réitéré sa conviction qu’il ne saurait y avoir d’avenir durable pour Gaza sans un État palestinien viable, ni de relèvement de l’enclave sans la fin de l’occupation.
« La seule voie vers une paix durable est celle où deux États, Israël et la Palestine, vivent côte à côte dans la paix et la sécurité, conformément au droit international et aux résolutions pertinentes de l’ONU, avec Jérusalem comme capitale des deux États », a-t-il dit.
Violations de l’accord entre Israël et la Syrie
Durant sa visite au Caire, le Secrétaire général s’est entretenu avec plusieurs dirigeants mondiaux, dont Ahmad Hussein al-Sharaa, le nouveau leader syrien.
Suite à la chute du dictateur Bachar Al-Assad, le 8 décembre dernier, les deux hommes ont évoqué « l’occasion historique » offerte à la Syrie de « tracer une nouvelle voie ».
Dans ce cadre, M. Guterres a noté les mesures prises par les nouvelles autorités en faveur d’une transition politique, qu’il a souhaité « inclusive ».
M. Guterres s’est toutefois dit préoccupé par les violations récentes de l’Accord de désengagement de 1974 conclu entre Israël et la Syrie.
Cet accord définit une zone dite de séparation le long de la frontière entre les deux pays, sur le plateau du Golan syrien, dont une partie est occupée par Israël depuis la guerre des Six Jours de 1967.
Seule la Force des Nations Unies chargée d’observer le désengagement (FNUOD) est supposée patrouiller dans cette zone, notamment afin d’intervenir au cas où du personnel militaire d’un pays comme de l’autre tenterait d’y pénétrer.
Or, immédiatement après la chute de Bachar Al-Assad, l’armée israélienne a fait irruption dans la zone, une première depuis la signature de l’accord.
Respect de la zone tampon entre Israël et le Liban
Par ailleurs, le chef de l’ONU a rencontré le nouveau Président du Liban, Joseph Aoun, avec qui il a discuté des derniers développements dans le pays et de l’importance de mettre en œuvre intégralement la résolution 1701 du Conseil de sécurité.
Adoptée à l'unanimité en 2006, cette résolution appelle à une cessation des hostilités entre le Hezbollah et Israël, fondée sur la création d'une zone tampon de part et d’autre de la « Ligne bleue », le long de la frontière entre les deux pays. Cette zone est censée demeurer exempte de tout personnel armé autres que ceux des autorités libanaises et des soldats de la paix de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL).