LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE L'ONU : DISCOURS PRONONCÉ LORS DU FORUM POLITIQUE DE HAUT NIVEAU POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE [Traduction – Seul le prononcé fait foi]
21 juillet 2025
Alors que l’Agenda 2030 entre dans sa dernière ligne droite, le chef de l’ONU déplore les « reculs » et appelle à une mobilisation urgente face à un monde « fragmenté, inégal et déséquilibré ».

Cette année, le forum politique de haut niveau pour le développement durable se tient à une période marquée par de profondes remises en question, mais également par de réelles perspectives.
Malgré de très puissants vents contraires, nous avons vu, ces deux derniers mois, ce qu’il est possible d’accomplir lorsque les pays s’unissent avec conviction et détermination.
Nous l’avons vu à Genève, où l’Assemblée mondiale de la Santé a adopté l’Accord sur les pandémies, étape essentielle vers l’établissement d’une architecture mondiale de la santé plus sûre et plus équitable.
Nous l’avons vu à Nice lors de la troisième Conférence des Nations Unies sur l’océan, où les gouvernements se sont engagés à étendre les aires marines protégées et à lutter contre la pollution plastique et la pêche illicite.
Nous l’avons vu à Séville lors de la quatrième Conférence internationale sur le financement du développement, où les pays se sont mis d’accord sur une nouvelle conception de ce que doit être le financement mondial : une conception qui donne une plus grande marge de manœuvre budgétaire, qui réduise le coût du capital et qui permette aux pays en développement de mieux se faire entendre et la participation aux organisations qui partagent leur avenir.
Ce ne sont pas là que des victoires isolées.
Ce sont des signes qu’une dynamique se crée.
Des signes que le multilatéralisme peut fonctionner.
Des signes que, mieux que nécessaire, la transformation est possible.
Et c’est l’esprit dans lequel nous abordons ce forum politique de haut niveau.
Excellences,
Mesdames et Messieurs,
Le but de cette édition du forum est de renouveler l’engagement que nous avons pris ensemble : celui d’éliminer la pauvreté, protéger la planète et garantir la prospérité pour tous et toutes.
Et nous sommes bien conscients des liens étroits qui existent entre le développement et la paix.
Nous nous réunissons aujourd’hui dans le contexte de conflits mondiaux qui mettent les objectifs de développement durable encore plus hors de portée.
C’est pourquoi nous devons continuer d’œuvrer à la paix au Moyen-Orient.
Au cours du week-end à Gaza, nous avons assisté à de nouvelles fusillades et à de nouveaux meurtres de personnes cherchant l'aide de l'ONU pour leurs familles - un acte atroce et inhumain que je condamne catégoriquement.
La solution des deux États doit se réaliser, mais pour cela, à titre préliminaire, il nous faut un cessez-le-feu immédiat à Gaza, une libération immédiate de tous les otages et un accès humanitaire sans entrave.
Le cessez-le-feu entre l’Iran et Israël doit tenir.
Il nous faut une paix juste et durable en Ukraine – une paix fondée sur la Charte des Nations Unies, le droit international et les résolutions des organes des Nations Unies.
L’horreur et le bain de sang doivent cesser au Soudan.
Au Soudan comme en RDC, en Somalie, au Sahel ou au Myanmar – et la liste est encore longue
Et toujours, nous devons nous souvenir qu’il n’y a pas de paix durable sans développement durable.
Les objectifs de développement durable ne sont pas qu’un idéal.
Ils portent tout un projet.
Un projet qui doit nous aider à tenir nos promesses : les promesses faites aux personnes les plus vulnérables, celles que nous nous sommes faites mutuellement et celles que nous avons faites aux générations futures.
Tout le monde est gagnant lorsque nous appliquons notre énergie au développement.
Depuis 2015, des millions de personnes supplémentaires ont accès à l’électricité, à des solutions de cuisson propre et à Internet.
Plus de la moitié de la population mondiale bénéficie désormais de la protection sociale ; ce n’était le cas que d’un quart de la population il y a dix ans.
Davantage de filles achèvent leur scolarité.
Les mariages d’enfants sont en baisse.
Les femmes sont de plus en plus représentées, que ce soit dans les conseils d’administration des entreprises ou dans les sphères du pouvoir politique.
Pourtant, nous devons reconnaître une dure réalité :
Seuls 35 % des cibles des objectifs de développement durable sont en voie d’être atteints, ou du moins, enregistrent des progrès modérés dans ce sens.
Ces progrès sont trop lents pour près de la moitié des cibles.
Et c’est un recul qui est enregistré pour 18 % d’entre elles.
Pendant ce temps, l’économie mondiale ralentit.
Les tensions commerciales s’accentuent.
Les inégalités augmentent.
Les budgets consacrés à l’aide sont amputés alors que les dépenses militaires explosent.
Et, comme jamais, la défiance, les divisions et les conflits ouverts mettent le système international de règlement des problèmes à rude épreuve.
Cette réalité ne peut être édulcorée, mais elle ne doit pas nous faire fléchir.
Nous pouvons toujours atteindre les objectifs de développement durable, si nous agissons de toute urgence et avec ambition.
Cette année, le forum porte sur cinq objectifs fondamentaux : la santé, l’égalité des sexes, le travail décent, la vie aquatique et les partenariats mondiaux.
Tous sont essentiels. Tous sont interdépendants. Tous sont porteurs de changement dans des domaines relevant d’autres objectifs.
En ce qui concerne la santé, la COVID-19 a révélé et aggravé les inégalités, et aujourd’hui, beaucoup trop de personnes n’ont toujours pas accès aux soins de base.
Nous savons ce qui fonctionne.
Nous devons intensifier les investissements en faveur d’une couverture sanitaire universelle fondée sur un système solide de soins primaires et de prévention, qui servirait en premier lieu les personnes les plus laissées-pour-compte.
En ce qui concerne l’égalité des sexes, le fossé reste immense.
Les femmes et les filles se heurtent à des obstacles systémiques, qui vont de la violence et de la discrimination aux travaux domestiques non rémunérés et à un manque de représentation sur la scène politique.
Nous assistons toutefois également à l’amorce d’une nouvelle dynamique, dans les mouvements locaux, les réformes nationales.
Le moment est venu de transformer cette dynamique en véritable transformation, en faisant en sorte que des politiques fondées sur les droits, des dispositifs de responsabilité effective et des financements concrets soient mis au service de programmes qui favorisent l’inclusion et l’égalité pour les femmes et les filles.
En ce qui concerne le travail décent, des milliards de personnes ne profitent pas de l’économie mondiale.
Elles sont plus de 2 milliards à occuper des emplois informels. Le chômage des jeunes est obstinément élevé.
Mais nous disposons d’outils pour changer la donne.
L’Accélérateur mondial pour l’emploi et la protection sociale aide les pays à investir dans des initiatives de protection sociale élargies, dans la formation professionnelle et dans la création de moyens de subsistance durables, notamment dans des secteurs en forte croissance tels que les énergies propres.
Demain, je prononcerai un discours sur l’immense potentiel que recèle la révolution des énergies renouvelables.
Le prochain Sommet mondial pour le développement social peut aussi contribuer à accélérer les progrès.
Excellences, mesdames et messieurs
En ce qui concerne la vie aquatique, notre océan et les populations qui en dépendent paient le prix de la surpêche, de la pollution et des changements climatiques.
Nous devons honorer les engagements qui ont été pris lors de la Conférence de Nice sur l’océan, à savoir protéger les écosystèmes marins et soutenir les millions de personnes qui en sont tributaires.
Enfin, en ce qui concerne les partenariats mondiaux (l’objectif de développement durable no 17), nous devons consolider tous les facteurs de progrès potentiels.
Autrement dit, il faut investir dans la science, les données et les capacités locales.
Et exploiter l’innovation numérique – notamment l’intelligence artificielle – pour accélérer le progrès, et non creuser la fracture.
Ce faisant, nous devons tenir compte de la nécessité de réformer le système financier mondial : un système inéquitable qui n’est plus représentatif du monde d’aujourd’hui ni des problématiques auxquelles font face les pays en développement.
Nous devons mettre en œuvre une réforme permettant aux pays en développement de mieux se faire entendre et de participer davantage à la réalisation des Objectifs de développement durable sur le terrain.
L’Engagement de Séville, adopté à l’occasion de la Conférence sur le financement du développement, prévoit un certain nombre de mesures majeures vers :
- de nouveaux engagements nationaux et mondiaux susceptibles de diriger les financements publics et privés vers les secteurs où les besoins sont les plus importants ;
- un renforcement de la capacité des États à mobiliser des ressources nationales en grandes quantités, notamment au moyen d’une réforme fiscale ;
- une réforme de l’architecture financière mondiale, visant à permettre aux pays en développement, qui comptent sur ce système pour mieux servir et soutenir leurs populations, de mieux se faire entendre et de participer davantage ;
- l’établissement d’un cadre plus efficace pour l'allégement de la dette et le triplement des capacités de prêt des banques multilatérales de développement au profit des pays en développement.
Excellences,
Au cours de l’année à venir, nous devons continuer à construire.
Nous devons renforcer et élargir les partenariats qui portent leurs fruits – y compris avec le secteur privé et les organisations de la société civile et les pouvoirs locaux.
Nous devons faire en sorte que chaque décision s’inscrive dans une réflexion à long terme, comme nous nous y sommes engagés dans la Déclaration sur les générations futures.
Et nous devons continuer d’apprendre les uns des autres.
Les Examens nationaux volontaires, qui constituent la clé de voûte de ce forum, sont bien plus que de simples rapports.
Ce sont des actes de responsabilité.
Ce sont de véritables parcours d’introspection, que les pays suivent à mesure qu’ils se développent et se construisent.
Et ce sont des modèles que les autres pays peuvent suivre et dont ils peuvent s’inspirer.
À la fin de ce forum politique de haut niveau pour le développement durable, nous aurons dépassé les 400 examens, et plus de 150 pays en auront présenté plus d’un.
Il s’agit là d’un signal fort d’engagement.
Une preuve indéniable que des solutions existent et qu’elles peuvent être reproduites et étendues.
À cinq ans de l’échéance, le temps est venu de convertir ces prémices de transformation en un puissant élan de progrès – qui bénéficie à tous les pays.
Agissons avec détermination, justice et vision.
Et concrétisons le développement – pour les personnes et pour la planète.
Je vous remercie.